Mercredi 4 novembre 2020, fin de matinée. Ce matin-là nous avions rendez-vous avec Kévin Barbet, au domaine de Lafage à Montpezat-de-Quercy (82 270) en Tarn-et-Garonne. Nous sommes sur le territoire de l’AOC Coteaux-du-Quercy, AOC créée en 2011.
Un chêne séculaire veille sur les lieux. C’est l’emblème du domaine, reproduit sur les étiquettes des différentes cuvées. Levé tôt pour attraper des génisses sur l’une de ses parcelles, Kévin nous accueille chaleureusement et nous ouvre les portes de sa boutique/salle de dégustation. Le soleil nous incite à installer une table dehors et hop, dégustation des cuvées et tour d’horizon du domaine.
S’il y a bien un vigneron à qui le titre de « paysan-vigneron » revient justement, c’est Kévin Barbet. Il y a la vigne, certes, mais également un troupeau d’une dizaine de têtes de blondes d’Aquitaine et un cheptel de Manech tête noire (des moutons basques bien utiles à l’entretien du parcellaire). À cela s’ajoutent un poulailler, une production d’huile de tournesol… C’est plus qu’un domaine viticole, c’est une ferme, conforme à ce que doit être un espace de production en biodynamie. C’est Kévin qui s’occupe des préparations biodynamiques comme enterrer les cornes pour la 500. Un maître mot : être autonome.
Kévin vient du Cantal, puis il est passé par le Sancerrois avant d’arriver dans le Sud-Ouest. En 2014, il reprend le domaine de Lafage de Bernard Bouyssou en association avec ce dernier. Le domaine était déjà en biodynamie, ce qui est plutôt rare dans la région. Deux ans plus tard, Kévin a les coudées franches. Près de 11 ha, avec comme cépages noirs, Cabernet franc, Cot, Gamay, Merlot, Syrah, Tannat. L’idée est d’avoir une surface d’un peu moins de 10 ha mais avec des cépages blancs et gris, plantés il y a peu : Sauvignon gris, Sémillon et Ugni blanc.
Le Tarn-et-Garonne, c’est le bas Quercy, dont une grande partie appartenait au département du Lot (Montpezat-de-Quercy est limitrophe au Sud du Lot). En 1808, Napoléon Ier crée le département du Tarn-et-Garonne et Montauban devient préfecture. Géologiquement, le secteur de Montpezat est le prolongement sud du Quercy blanc, entité paysagère dont les assises appartiennent au Cénozoïque (ère Tertiaire). Le relief est formé de coteaux aux morphologies douces. À l’Ouest le paysage est plus accidenté : c’est le pays des Serres. À l’Est, ce sont les pentes annonçant le rebord du causse d’âge Jurassique. Tout se tourne vers l’Agenais et les plaines alluviales formées par le Tarn, l’Aveyron et la Garonne donnent une orientation sud-ouest au réseau hydrographique.
On quitte donc les causses du Quercy pour les molasses de l’Agenais. Elles constituent le principal substrat du parcellaire de Kévin. Ce sont des marnes avec parfois un faciès gréseux ou argileux. Au sommet de cette formation nous avons les calcaires lacustres blancs de Montpezat et des marnes blanchâtres. Les molasses, calcaires blancs et marnes datent de l’Oligocène supérieur (23,03 à 27,82 MA). À la base des molasses, dans la vallée du Lemboulas, affleure les calcaires oolithique et micritique de l’Oxfordien (157,3 à 163,5 MA), ultimes soubresauts occidentaux des causses de Limogne et Caylus. Le Lemboulas et ses affluents dépendent du bassin versant du Tarn.
Situées entre 200 et 270 m d’altitude, les vignes du Domaine de Lafage sont insérées dans un maillage parcellaire composé de prairies, vergers et champs dédiés aux céréales. La fertilité des terres, appelées localement « terreforts », contraste avec l’aridité des lithosols du causse que l’on peut voir au Sud de Cahors. Les molasses sont plus argileuses à l’approche du Jurassique des causses tous proches. L’enherbement sous les rangs est naturel et semé, d’où une grande diversité du couvert. On y observe légumineuses, graminées, crucifères ou encore composées, comme les chicorées encore en fleurs. Pour Kévin, le principal travail s’effectue dans les vignes. Mais cela ne veut pas dire être ensuite absent du chai. Bien au contraire, le travail à la cave est tout aussi rigoureux que celui mené dans les vignes.
La clémence du temps est bienvenue pour cette dégustation en plein air, sous la garde du chêne qui domine les vignes. Tous les vins de Kévin sont singuliers, mûrs et digestes et avec des doses de soufre minimes. Certains nous ont provoqué de belles émotions !
- AOC Coteaux-du-Quercy, « Couleur » 2019, 13,5 %.
Assemblage de Cabernet franc, Cot, Gamay et Merlot. Un rosé issu d’une saignée de 8-16 h. Très gourmand, sur la grenadine.
- AOC Coteaux-du-Quercy, « Couleur » rosé 2016, 13,5 %.
Même cuvée mais avec une robe plus marquée ce qui est plutôt la caractéristique des rosés de l’appellation. Plus vineux que 2019, un rosé taillé pour la table.
- VDF, « Le Petit » 2019, 13,5 %.
Assemblage original de Gamay (90 %) et Syrah. 5 jours de macération avant décuvage. Le Gamay provient d’un sol composé de 55 % d’argile orangée. Mis en bouteille au printemps dernier, non filtré. Beaucoup d’énergie dans ce vin, de l’épice également : arômes de poivre, de clou de girofle.
- IGP Comté Tolosan, « L’Excuse » 2018, 12,5 %.
Cuvée 100 % Cot, parcelle sur sol calcaire, nez de fruits des bois bien mûrs, notes animales. Finale sur la myrtille.
- AOC Coteaux du Quercy, « La Suite » 2016, 14 %.
Beau millésime que le 2016. Sol argilo-calcaire. Assemblage Cabernet franc, Cot, Merlot. Ces derniers sont vinifiés séparément pour palier au grand décalage de maturité des cépages. Élevage de 24 mois en cuve béton. Très mûr, sur les fruits rouges écrasés, finale croquante.
- VDF, « Le 21 » 2016, 14,5 %.
Magnifique Tannat élevé 36 mois en foudre. Un des coups de cœur de la dégustation, un vin qui ne se dévoile qu’après un élevage long. Les tannins sont fondus, la puissance du vin ne couvre pas la finale florale (lilas).
Direction la cave où la dégustation continue. La diversité n’est pas seulement dans les vignes. On la retrouve au chai avec les différents contenants de vinification : barriques bordelaises, cuves béton, inox, époxy, foudre de la tonnellerie Baumert Jenny à Barr en Alsace… Petit florilège des vins en élevage :
- « L’Atout 2019 », en foudre. Un pur Cabernet franc. Les Cabernet franc sont greffés sur des Millardet et de Grasset, les 41 B et 420 A, deux porte-greffes à maturité lente. Excellent !
- Merlot 2019, non assemblé, en cuve ovoïde.
- « Le 21 » 2019, en foudre. Tannat pas encore dompté, grosse astringence, mais quelle matière !
- « L’Atout » 2020, en cuve époxy.
- « Full » 2020, Cabernet franc et Cot, saignée de 72h. Kévin le définit comme son « vin de printemps ».
- « L’Excuse », 2020 en cuve inox.
Kévin et Jeanne sa compagne nous invitent à déjeuner dans leur maison située en contrebas du chai. Et une dernière cuvée ouverte, cette fois pour l’apéro ; « Joker » 2019, un pet’ nat’ Gamay-Tannat, rosé, gourmand, sec, avec des fines bulles. Malgré la grêle de juillet, la quantité et la qualité ont été au rendez-vous. On se réjouit donc de goûter les futurs flacons !
Merci à Kévin pour ses vins, ses convictions et sa générosité.
Domaine de Lafage
82270 Montpezat de Quercy
Tél. : 05 63 02 06 91
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Bonjour,
Ou peut on commander les vins de Kévin ?
Bonjour,
Chez votre caviste préféré (n’hésitez pas à lui suggérer cette référence) ou directement au domaine 🙂