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Visite au Domaine de la Roche Bleue, Sébastien Cornille (Sarthe)

Lors de notre visite du 16 juillet au Domaine de la Roche Bleue, la météo n’était pas vraiment estivale : ciel couvert, fraîcheur, humidité. Nous sommes à Marçon, dans le sud de la Sarthe, en rive gauche du Loir, entre Tours et Le Mans. Nous nous rendons au hameau de la Roche, blotti contre le coteau de tuffeau blanc : rendez-vous au domaine avec le vigneron Sébastien Cornille.

Sébastien Cornille domaine de la Roche bleue

Sébastien s’est installé en 2007 après une expérience à la Réunion. Avec trois amis, il crée le domaine de la Roche Bleue. Le domaine couvre 5,5 ha, après avoir été étendu à 9 ha jusqu’en 2018. La réduction de surface a permis de maîtriser davantage les interventions sur toutes les parcelles du domaine. Aller jusqu’à 7 ha est donc un maximum. Les vignes du domaine se répartissent sur quatre communes : Chahaignes, Lhomme et Ruillé-sur-Loir (aujourd’hui Loir-en-Vallée) en rive droite du Loir et Marçon sur l’autre rive. Le Chenin est le cépage cultivé pour les Jasnières et les Coteaux-du-Loir blancs. Les cépages noirs concernent les vins en Coteaux-du-Loir rouges où le Pineau d’Aunis domine. Gamay, Gamays teinturiers (de Bouze, Chaudenay…) et Cabernet franc complètent l’encépagement.

Le domaine de la Roche bleue est ancré sur une assise géologique datant du Crétacé supérieur, plus précisément du Turonien (93,9 MA à 89,8 MA). L’étage géologique est ici représenté par le tuffeau blanc, roche calcaire tendre célèbre pour son utilisation en construction : il est principalement visible sur les coteaux. Le tuffeau est surmonté par des formations résiduelles issues de la décarbonatation du tuffeau : il s’agit des argiles à silex, plus ou moins caillouteuses, argileuses ou limoneuses. Les argiles à silex se retrouvent en rebord du plateau, le bas du coteau étant recouvert de dépôts de pente mélangeant les différents types de substrats en place. Enfin, sur le plateau, les formations géologiques datent de l’Éocène (56 MA à 33,9 MA). L’héritage de cette époque au climat tropical humide est constitué d’argiles à silex parfois rouges, de sables, de galets et des fameux perrons, conglomérats siliceux pouvant parfois être massifs.

Sur les AOC Coteaux-du-Loir et Jasnières,  l’UEVV (Unité Expérimentale Vigne et Vin) du centre INRA d’Angers-Nantes a cartographié 18 UTB (Unité Terroir de Base) entre 2003 et 2005. Le parcellaire de la Roche bleue en compte une dizaine, d’où la grande variété des terroirs du domaine.

Nous montons en voiture, et nous voilà partis arpenter le parcellaire sur quelques lieux emblématiques du domaine. Direction Lhomme, l’une des deux communes de l’AOC Jasnières, commune également intégrée dans l’aire de l’AOC Coteau-du-Loir. Nous sommes au « Clos des Molières », lieu-dit bénéficiant de l’avantageuse topographie des coteaux avec une exposition Sud – Sud-ouest.  La place offre une vue étendue sur la vallée du Loir et son vignoble. Ici règne le Chenin.

Trois strates géologiques sont concernées, soient, de haut en bas :

  • argiles à silex, sables et perrons : formations résiduelles de la fin de Crétacé et du début de l’Éocène
  • altérations du tuffeau blanc
  • colluvions

Sébastien Cornille dans ses vignes

Sébastien insiste sur les futurs réaménagements des lieux, à savoir regrouper les parcelles, planter des fruitiers, conserver les arbres, préserver les haies existantes, en créer d’autres. En contrebas, avant les colluvions, une haie suit la courbe de niveau : ronces, églantier, cornouiller, genêt, cortège floristique assez important. Et un nichoir. Sébastien appartient au réseau LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) « Paysans de nature® »… On l’aura compris, le maître mot ici est biodiversité. On remonte dans un des rangs de Chenin. Au milieu du rang, un marquant signal un nid d’alouette lulu où se trouve une nichée…

Sur cette même commune, Sébastien possède encore deux jeunes vignes en Chenin et Pineau d’Aunis ainsi qu’une parcelle de cépages noirs (Aunis, Gamay, Cabernet franc).

Sébastien Cornille

Second arrêt en face, sur l’autre versant de la vallée de la Veuve. Nous sommes sur la commune de Chahaignes, commune en AOC Coteaux-du-Loir mais qui, sur certains lieux-dits, mériterait  également d’être en Jasnières… Nous sommes tout proches du lieu-dit Le Haut Perray et depuis les vignes, la vue y est à nouveau très étendue (on aperçoit d’ailleurs le Clos des Molières). C’est ici que l’on trouve les plus vieux Aunis du domaine, avec des ceps de 50-60 ans.

Situés sur le plateau, les perrons de l’Éocène constituent le substrat de la partie haute du parcellaire. Les argiles à silex provenant de l’altération du tuffeau sont visibles dans les vignes amorçant la pente du coteau. Entre ces deux substrats s’intercalent les formations résiduelles décrites à Lhomme. Un peu plus éloigné de cet ensemble, une parcelle de Chenin traversant une veine d’argile rouge de décalcification et exposée sud descend sur une petite vallée.

Les deux autres îlots se situent à Ruillé-sur-Loir et à Marçon. C’est dans le fameux secteur de « Sous les Bois », mentionné par Henri IV, que se situe le premier, planté en Chenin.  Le second se partage entre deux secteurs, avec du Pineau d’Aunis et du Gamay.

cave du domaine de la roche bleue

Retour à Marçon pour la dégustation. La cave est creusée dans le tuffeau, les barriques (chêne ou acacia) sont toutes soigneusement annotées. Pour 2020 que l’on déguste, vinification sans SO2, les vins sont sur lies jusqu’aux vendanges suivantes. Les rendements souhaités sont en moyenne de 30 hl/ha. Selon les équilibres à atteindre, Sébastien assemble (ou pas) certaines parcelles d’un même lieu-dit.

dégustation domaine de la roche bleueJasnières : assemblage pour la cuvée domaine, jeunes vignes, rendement plus élevé que la moyenne. Terroirs d’argile rouge des hauts de coteaux et de sédiments de bas de coteaux.

Jasnières : issu de « Sous les Bois » , sur argiles à petits silex. Vin structuré, large, ample.

Jasnières : assemblage de vieilles vignes. Vin très aromatique, fruité, notamment sur la poire.

Jasnières : parcellaire, jeunes vignes de 13 ans sur argiles à silex. Vin assez vif.

Jasnières « Clos des Molières » : vin issu de la parcelle centrale du clos et élevé en barrique acacia. Vin ayant à la fois du volume et de la précision.

Jasnières « Clos des Molières » : assemblage de deux parcelles aux terroirs bien distincts, entre altérite du tuffeau et argiles à silex. Vin longiligne, avec une belle tension.

Jasnières « Clos des Molières » : même principe que précédemment, mais profil du vin différent, plus rond.

Moelleux 2018 : le vent d’Est a passerillé certains raisins du Clos des Molières. Le sucre résiduel s’élève à 75 g/l, le vin est à la fois riche et très digeste.

Retour en 2020 avec une cuve de Chenin en macération depuis le 20 septembre 2020. Les raisins proviennent du Clos des Molières. Peut-être un des premiers blancs de macération de la vallée du Loir !

À nouveau une macération de chenin, cette fois associée avec des aromatiques ajoutées dans le marc en fermentation : verveine citron, agastache, mélisse, marjolaine, sauge…

Pour terminer la dégustation, « La Belle d’Aunis » 2017, en AOC Coteaux-du-Loir. Aunis rigoureusement triés, élevage en bois vieux et neuf. Très élégant, délicatement épicé, sur la baie rose.

Le lieu est propice aux expositions, tout comme le chai qui bénéficie depuis peu d’une avancée à l’abri des intempéries. Le vigneron y a organisé l’année dernière, pendant les samedis estivaux, des rencontres culinaires avec de talentueux chefs locaux. L’art de croiser plaisirs culturels et gustatifs, notion que Sébastien Cornille, toujours en réflexion sur de nouveaux projets, s’évertue à perpétuer.

visite domaine de la roche bleue

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