Mars 2022 marque pour nous la reprise des salons. Direction les caves Ackerman à l’occasion de la 22e Dive bouteille à Saumur, salon des vins nature qui a eu lieu le 7 mars. Suivez-nous sur le chemin de ce compte-rendu gustatif !
Commençons notre voyage en prenant un peu de hauteur… en Suisse !
Créé en 2017 dans le Valais, le domaine de Julien Guillon s’étend sur les pentes d’Ayent et de Fully. Les 4,5 ha de vignes suivent la rive droite du Rhône et atteignent jusqu’à 900 m d’altitude.
Deux blancs nous ont particulièrement marqués :
- Vin de Pays Suisse, Le Petit Bidon 2019. De vieilles vignes (70 ans) de Chasselas, nez et bouche fumés, sensation très prégnante, presque tourbeuse, puis plein d’énergie et de fraîcheur, notes de raisin frais.
- Vin de Pays Suisse, Les Quatre Rescapés 2019. Assemblage Chardonnay, Sauvignon, Savagnin et Pinot gris. De l’opulence, de la rondeur, des notes beurrées, noisette en finale. Un contraste saisissant avec la cuvée précédente !
Notre parcours à la Dive va ensuite traverser la France, en zigzaguant du nord au sud.
On attaque avec l’Alsace.
Sur les 16 ha du domaine familial de la famille Maurer (67 140 Eichhoffen), Louis Maurer en travaille 4 depuis 2016. Les vins sont pleins d’énergie comme en témoignent les cuvées suivantes :
- AOC Alsace, Lerchenberg 2020. Riesling, lieu-dit exposé sud-est, au sud du grand cru Moenchberg, sur limons gréseux datant du Riss (avant-dernière glaciation du Quaternaire) et issus de la décomposition du conglomérat du Muschelkalk. Pur, mûr, discrètement pétrolé, saveurs équilibrées, finale minérale.
- AOC Alsace, Duttenberg 2019. Pinot gris sec, lieu-dit situé au nord du grand cru Moenchberg, à nouveau sur sol limono-gréseux. Il y a longtemps que l’on n’avait dégusté un Pinot gris sec aussi droit tout en conservant sa gourmandise.
Citons deux macérations qui nous ont aussi tapé dans l’œil (et le gosier !) :
- AOC Alsace, Retour aux Sources 2020. Macération de Pinot gris du Lerchenberg, en grappes entières.
- AOC Alsace, L’étrange Orange 2021. Macération de Gewurztraminer sur lies totales, mise prévue pour le printemps.
On reste dans le Grand Est avec les Champagnes Vouette et Sorbée (10 110 Buxières-sur-Arce).
Nous voici sur la Côte des Bar, sur un sous-sol plus bourguignon (et en particulier chablisien) que champenois, datant du Kimméridgien (Jurassique supérieur). Le domaine a été conseillé par le LAMS, qui, en analysant les argiles présentes, a orienté le domaine vers davantage de plantations en Chardonnay.
- Blanc d’Argile 2018. 100 % Chardonnay, non dosé. Très aérien, floral, effervescence dense et fine.
- Textures 2018. 100 % Pinot blanc, non dosé, macération pelliculaire de 10 mois, élevage en qvevri. Il est très rare d’avoir un Champagne élaboré avec ce cépage secondaire qu’est le Pinot blanc, surtout vinifié de la sorte. Ample, fruité, assez déconcertant par rapport à l’univers classique du Champagne. On adhère !
On est toujours, du moins en grande partie, sur le Jurassique supérieur (plutôt sur l’Oxfordien cette fois) avec Fanny Sabre (21 630 Pommard).
Le domaine de 7 ha s’étend principalement sur la Côte-de-Beaune.
- AOC Beaune, Clos des Renardes 2020. Chardonnay issu d’une parcelle de 2 ha plantée à 80 % en Pinot noir. Généreux, équilibré, notes beurrées en finale, très digeste.
- AOC Beaune 1er cru 2016. Un Pinot noir concentré, élégant, légèrement empyreumatique, floral, notes de kirsch en finale.
La dégustation du Pommard 2020 donne l’aperçu d’un vin prometteur, tout en délicatesse mais encore sur la réserve : patience, le temps ne peut que lui convenir.
Changement de décor : nous arrivons dans le Nord du Rouergue, en Viadène, plateau granitique entaillé par la Truyère et blotti à l’ouest de l’Aubrac.
Nicolas Carmarans (12 460 Montézic).
Ici, Nicolas nous fait déguster un seul cépage : le Fer (ou Mansois dans le Nord Aveyron). Les vins sont en IGP Aveyron. En voici deux très distincts, le premier étant représentatif de ce rude Nord Aveyron :
- Maximus 2021. Mansois sur granite, petits fruits noirs, frais et légèrement épicé en finale.
Pour quitter les terres fraîches et cristallines, nous avons également dégusté des cuvées issues de raisins provenant des terres de Marcillac situées plus au sud, notamment la suivante :
- Fer de Sang 2021. Mansois sur argilo-calcaires. Acidulé, coloré, très salivant, parfait pour ceux qui ne connaissent pas le cépage.
Un peu plus au sud en latitude et à l’est du couloir rhodanien, nous voici tout proche des Baronnies provençales.
Maxime-François Laurent, Domaine Gramenon (26 770 Montbrison-sur-Lez).
Tous les vins présentés par Maxime étaient tirés sur cuve. Plein feu sur 2021 et en particulier le Grenache.
- AOC Côtes-du-Rhône, La Sagesse. Grenaches âgés de 60 ans en moyenne, sur argilo-calcaire, à 300 m d’altitude. Vin tout en rondeur avec une finale minérale.
- AOC Vinsobres, La Papesse. Vieilles vignes de Grenache (et un peu de Syrah) situées à Vinsobres, à 450 m d’altitude, où l’on trouve, entre autres, des galets semblables à Châteauneuf-du-Pape. Beaucoup de chair dans cette cuvée assez massive qui ne demande, comme les deux autres d’ailleurs, que du temps pour se révéler.
- AOC Côtes-du-Rhône, La Mémé. Grenaches de 140 ans sur terroir en grande partie sableux. Tout en finesse et en complexité, petits fruits rouges, cerise à l’eau de vie, notes de thym et d’épices.
Notre périple hexagonal s’achève en Provence, dans le Var avec Jean-Baptiste Dutheil de la Rochère, Château Sainte-Anne (83 330 Évenos).
Domaine de 14 ha en AOC Bandol et AOC Côtes-de-Provence. Avec Jean-Baptiste, place aux Bandol !
- AOC Bandol blanc 2021. 50 % Ugni blanc, 50 % Clairette, très floral, légèrement anisé et fruité.
- AOC Bandol 2016 Collection. 95 % Mourvèdre. Le cépage commence à sortir de sa phase austère (qui n’est pas sans charme) pour atteindre un grain velouté à souhait.
- AOC Bandol 2010. C’est le temps qu’il faut au Mourvèdre pour s’épanouir. Vin aux tanins très fondus, à la fois dense et fin.
Quittons la France et cap sur l’Italie avec trois domaines sur trois régions différentes.
En fait, comptons quatre domaines avec le Domaine Gravner (province de Gorizia, en Vénétie-Frioul julienne, nous sommes limitrophes à la Slovénie) qui n’avait qu’un vin à déguster mais quel vin ! L’un des meilleurs blancs de macération du salon :
- Ribolla 2013. IGT Venezia-Giulia, macération de plusieurs mois de la Ribolla Gialla en jarre, 6 ans d’élevage en barrique. Puissant, balsamique, fruits confits, curcuma, très beaux amers en finale qui se prolongent ..
Cette fois, nous partons du sud pour aller vers le nord. Pour commencer, cap sur la Sicile !
Giusto Occhipinti, Azienda Agricola COS, Vittoria, province de Raguse dans le sud de la Sicile.
C’est Andrea Covi (œnologue) qui nous fait déguster les vins du domaine.
- IGP Terre Siciliane bianco, Ramí 2021. Grillo, Insolia, une dizaine de jours de macération sur ces deux cépages siciliens. Robe dorée, plus floral que fruité, notes de miel de fleurs de printemps.
- DOCG Cerasuolo di Vittoria classico 2017. 60 % Nero d’Avola, 40 % Frappato di Vittoria. Souple, fruité bien mûr, tanins jamais envahissants, finale fraîche.
- DOCG Cerasuolo di Vittoria classico, Delle Fontane 2014. 60 % Nero d’Avola, 40 % Frappato di Vittoria. Un vin classieux, aux tanins fondus, de la douceur, finale complexe et épicée.
On continue sur notre lancée sicilienne avec Agricola Naturale, Vermouth e Bitter biologici da Vino Naturale Siciliano. C’est l’association de Simone Sabaini et de Giusto Occhipinti (COS).
Andrea Covi et Biagio Danilo Distefano nous font déguster 3 beaux vermouths.
- Bitter vino biologico da Cerasuolo di Vittoria naturale 2018. 60 % Nero d’Avola, 40 % Frappato di Vittoria. La robe de clairet est séduisante, l’amertume est bien équilibrée par la douceur, finale évoquant la quinine et l’épine.
- Vermouth orange biologico da Moscato passito 2021. Moscato bianco. Assez exubérant, finale avec des amers marqués, très tonique.
- Vermouth naturale rosso 2020. Nero d’Avola. Robe d’un rouge profond, sur les fruits rouges à l’eau de vie et l’orange sanguine. Une adventice présente sur la parcelle donne un goût mentholé incroyable à ce vermouth !
Allons maintenant sur le continent et montons dans le nord de la botte avec le domaine d’Elena Pantaleoni : La Stoppa. Nous sommes à Rivergaro dans la province de Plaisance en Emilie-Romagne. Dégustation de vins orange et rouges.
- IGT Emilia Bianco, Ageno 2019. Malvasia di Candia aromatica, 4 mois de macération, 2019. Millésime plus pluvieux que 2018 (très bonne macération dégustée ici-même, plus immédiate) mais qui, en bouche, gagne encore en complexité.
- IGT Emilia Rosso, Macchiona 2009. 50 % Barbera, 50 % Bonarda, sur sol ferrique. À la fois acidulé, rond et tannique, bien épicé en fin de bouche.
- IGT Emilia Barbera, Camporomano 2011. Barbera ; 40 jours de macération, élevage dans des foudres de 40 hl. Cuvée avec un sacré volume en bouche, finale légèrement balsamique, sur la douceur et la finesse.
Retour à la frontière slovène avec le Domaine Radikon, Oslavia, à Gorizia, dans la province éponyme (au même endroit que le domaine Gravner…).
C’est Saša Radikon qui assure la dégustation.
- IGT Venezia Giulia, Slatnik 2020. 80 % Chardonnay, 20 % Tocai friulano, 8 jours de macération, 1 an en fût. Courte macération (une fois n’est pas coutume dans le Frioul !), très pur, fruité, finale minérale, presque saline.
- IGT Venezia Giulia, Jakot 2017. Tocai friulano, 3 mois de macération, 3 mois d’élevage, 2 ans en bouteille. Agrumes, fruits blancs à noyaux, tanique… un vin orange intense qui a les épaules pour aller loin.
- IGT Venezia Giulia, Pignoli 2010. Pignolo, rouge d’une grande profondeur, patiné, au grain fin et possédant une belle allonge.
Changeons de pays et poursuivons avec deux domaines de l’Europe centrale qui nous ont séduits.
Slobodné vinárstvo, à Zemianske Sady, région de Trnava, à environ 80 km de Bratislava, à l’ouest de la Slovaquie.
Domaine de 17 ha. Parmi les vins dégustés, Katarína Kuropková nous propose de nombreuses cuvées avec parfois des cépages des années 50 hérités de l’époque soviétique.
- Partisan cru 2017. Rouge, Blaufränkisch (ou Frankovka), Cabernet sauvignon et Alibernet (1950, Cabernet sauvignon + Alicante Henri Bouschet). 18 mois d’élevage pour un vin croquant, droit et acidulé.
- Cutis Deviner 2019 (cutis, la peau en latin). Assemblage de Devín (1957, Veltliner + Traminer) et de Traminer, un mois de macération, pigeages réguliers. Très aromatique, agrumes confits, finale sur les fruits secs.
- Smetana 2021. Une macération 100 % Grüner Veltliner pour une cuvée qui porte le nom du grand compositeur de Má Vlast. Tout sur le fruit : on est loin des acidités parfois tranchées du cépage !
Winnica Dom Bliskowice, Bliskowice, région de Lublin, au sud-est de la Pologne, sur la rive droite de la Vistule.
Domaine de 5 ha créé en 2009 où, comme précédemment, l’on retrouve un encépagement original.
- Dzik 2020. 30 jours de macération, assemblage de 32 % Hibernal, 25 % Seyval blanc, 19 % Felicia et 13 % Riesling. A cela il faut ajouter, le Muscaris et le Villaris. Vin orange léger, peu alcoolisé, frais et très digeste.
- Monday Lisa 2016. Vin rouge, issu de deux hybrides : 77 % Régent (1967, croisement interspécifique entre Diana B et Chambourcin N) et 23 % Rondo (1964, croisement interspécifique entre Zarya severa N et Saint-Laurent N), élevage de 34 mois dans des barriques provenant du domaine Méo Camuzet à Vosne-Romanée.
Un rouge gourmand et léger avec une aromatique proche de certains gamays.
Pour la fin de notre voyage, retour en France et plus particulièrement dans le Tarn entre Albi et Cordes-sur-Ciel.
Laurent Cazottes, Distillerie Cazottes (81 130 Villeneuve-sur-Vère).
Après avoir dégusté les vins du domaine (dont Adèle issu du Mauzac rose et le Prunelart) et les cuvées en négoce, Laurent fait place aux spiritueux.
- Pomme pomme gueule, une quinzaine de variétés de pommes. L’autre manière de croquer les pommes et d’en découvrir les arômes, c’est de déguster cette eau-de-vie !
- Goutte de Prunelart, eau-de-vie issue du cépage qui est l’un des géniteurs du Cot. Le végétal tempère l’alcool, notes racinaires, finale minérale.
- Poire Williams. Point de tanins ici car pépins, queues et calices sont retirés. On a l’énergie et la gourmandise de la poire, dont les parfums sont ici d’une rare intensité.
- Reine Claude dorée. Probablement la plus ancienne variété du Sud-Ouest. Elle est ici distillée sans queues et sans noyaux. L’aromatique est d’un grand respect pour ce fruit du terroir occitan.
- Liqueur de tomates issue des 168 variétés de tomates de domaine. Les racines ponctionnant le carbonate de calcium actif présent dans le sol participe au goût singulier de la liqueur. Désarmant, à la fois suave et iodé, très umami, évoque l’univers gastronomique japonais.
Ces quelques kilomètres de marche dans les galeries des caves Ackermann nous ont permis de voyager en France et par-delà nos frontières. Nous espérons que vous aurez pu, vous aussi, à travers ce compte-rendu, avoir un aperçu des richesses des cépages et talents de nos terroirs européens présents à La Dive Bouteille. Mais le mieux, c’est encore de les déguster !